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Les caisses

 

Albert et Georgette était vivants, eux. Georges et Denise, prétendaient vivre mais ça n’était qu’une illusion tant ils étaient tous deux lestés par leurs histoires personnelles.

Georges, c’était la guerre de Quatorze où il avait perdu un doigt aux Dardanelles, Denise, parce qu’elle ne s’était jamais remise de la mort de sa mère lorsqu’elle n’avait que treize ans.

De toute jeune leur gamine aurait beaucoup préféré appartenir aux voisins, Albert et Georgette Surtout le Dimanche quand elle était réveillée par de grands bruits dans la rue qu’elle surveillait de son balcon au cinquième étage de l’immeuble où elle était née, quatre ans auparavant.

Ce grand chambardement c’était la réunion dès huit heures du matin d’un tas de bicyclettes, tandems et vélos porteurs de paniers pour les enfants à l’arrière, il y avait une dizaine de couples amis, et de voisins, qui formaient un groupe joyeux que l’enfant enviait, elle aurait tant aimé en faire partie et, comme eux, comme Nénette et Nicole se retrouver dans ces paniers porteurs pour partir à la découverte d’un monde au-delà de sa rue, de son immeuble, de son école et surtout loin de ses parents qui ne finirait pas le journée sans une dispute qui verrait le père partir en claquant la porte et la mère, pleurer.

Où allaient-ils tous? À la plage de la Madrague, de Guilloville ou de Sidi Ferruch que la gamine ne découvrirait que des années plus tard.

Albert travaillait comme comptable chez Citroën et mon père comme comptable chez mon grand-père, une des sources de disputes entre mes parents, mon père accusant ma mère de ne rien dire à son père qui puisse améliorer leur situation financière.

Et dimanche après Dimanche la gamine surveillait de son balcon la joyeuse troupe à bicyclette. Et puis, un dimanche tout allait changer, pour le quartier et pour la gamine. Très apprécié par ses patrons Albert se vit offrir la possibilité d’acheter une voiture à crédit. La voiture c’était une deux chevaux grise. Et voilà que Georgette qui aimait beaucoup la gamine arriva à persuader les parents de la laisser partir à la plage avec eux. J’ai appris plus tard qu’il y eu des semaines de négociations entre les quatre adultes pour libérer la gamine. La mère terrifiée de se retrouver seule avec le mari. Le père ne supportant pas de perdre le contrôle de l’enfant qui l’occupait tous les Dimanches, journée réservée à la dictée hebdomadaire le matin et au cours d’arithmétique l’après-midi en attendant de voir arriver vers cinq heures ses copains du bridge ou de la belote.

Mes enfin tout arrive lorsqu’on souhaite quelque chose de tout son cœur et de toute son âme. Le premier dimanche de Juillet, mois anniversaire de la gamine, elle avait dix ans, elle fut autorisée à partir à la plage avec les voisins, en deux chevaux, coincée entre Micheline, dite Mimi et Claude, les enfants de Georgette et d’Albert.

Merveille de la découverte d’immenses plages de sable loin des plages sales de sa ville, plage qui attirait une population bruyante et souvent sans retenue, l’eau bénite de la mer qui rafraîchissait lors des journées torrides et qui permettait de se laver.

La Madrague c’était pour ceux du coin où pour ceux qui avaient une voiture. Et ainsi, Dimanche après Dimanche la gamine partait loin de chez elle, libérée de ses parents après avoir fait la preuve, le Samedi soir que les devoirs étaient fait.

Après la « Deuche » il y eu la traction avant noire, comme dans les films de l’époque et pour finir la Déesse blanche qu’Albert fut obligé d’abandonner sur le chemin de l’aéroport de Maison Blanche lorsqu’ils quitteraient le pays pour toujours.

Et la gamine ? La dernière voiture qui la transporta fut le taxi qui devait l’amener au port pour la dernière fois le jour où elle quitterait son pays. Peu de souvenirs de cette « caisse ». Elle pleurait trop ce jour-là.

Londres le 12 décembre 2020

 

 

 

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