Le temps des fiançailles

Ah ! La petite voisine du quatrième. Qu’est-ce qu’elle a grandi ! Elle est jolie comme un cœur. Ecoute, une petite voisine, une petite juive, c’est pas comme à Nice, pour la plaisanterie. Non, ça doit être du sérieux. Ils se parlent beaucoup. Sur le balcon. Lui, penché vers le bas, elle, penchée vers le haut. Ils se parlent. Ils se racontent. Ils apprennent à se connaître.

Elle, elle est la dernière de sept enfants. Et là, elles ne sont plus que deux à la maison. La plus grande des deux, Lucia, elle crie : « Maman, Yvette elle est encore au balcon avec le voisin ! ». Alors, elle rentre vite. Mais ça finit bien sûr par arriver aux oreilles de Chalom Hazan, le père d’Yvette. Un soir, il coince Jona dans l’escalier. « Ecoute. On me dit que tu parles beaucoup avec ma fille. Quelles sont tes intentions ? ». Que voulez-vous répondre ? Elle lui plaisait beaucoup, la petite Yvette. « Très sérieuses, Monsieur Hazan ! ». « Alors, rentre boire l’anisette ». Et oui, l’anisette à Alger, c’est la boisson sacrée. Quand tu scelles un accord, tu fais pas un contrat devant huissier et avocats. Tu bois l’anisette. Quand tu as mal à la tête, tu te fais une compresse d’anisette. Le mieux, c’est quand tu as mal au ventre, parce que là, tu la bois, l’anisette ! En tout cas, c’était la façon de faire du père Hazan.

Et bon. Les voilà fiancés maintenant. Jona et Yvette, Jo et Vy…

Ah, la bonne période que voilà ! N’eut été cette Mireille, la sœur de Jona qui essayait de prendre la petite Yvette sous sa coupe et voulait régenter sa vie et ses mœurs, tout était parfait. Jona, ayant repris le travail avait découvert les avancées de 1936 et profitait de la journée de 40 heures et des quinze jours de congés payés. A tel point qu’il acheta un tandem. Un tandem ! C’était la grande mode de cette année 1939 ! Partir en vacances à deux sur un tandem ! Bien sûr, tant qu’ils étaient fiancés, par question de partir camper ensemble. Mais partir une journée à la plage en tandem ! Le tandem arriva, livré par un monsieur. Mais quelques heures auparavant, un autre monsieur avait apporté une lettre : « Avis de mobilisation ».

Le monsieur repartit avec le tandem. Ni Jona, ni Yvette ne montèrent jamais dessus.

« Avis de mobilisation »

La drôle de guerre commençait…