Jo - Vy

L'Algérie de Jacky
Jo - Vy
 
Jo
1914, une bonne année ?
Yvette arrive
La SGS
La boxe
La SGS encore
Nice, le service militaire
Le temps des fiançailles
La guerre
Le trou
Faites bouchon !
Scandinaff ?
Les juifs, sortez des rangs !
Un train de la Shoah
A la table des paysans
Bois ce whisky
Le temps du retour
Les enfants arrivent
Yona, pas Jona
Le départ
 
Vy
Le temps explose
Les parents
L'enfance
Les fiançailles
Le mariage - la guerre
Les années bonheur
Le départ d'Algérie, l’exil
Les années retraite
Les années veuvage
L'artérite
 
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La SGS

Et ben croyez-le ou pas, il entra comme garçon de course dans une société maritime et il resta dans cette société maritime jusqu’à sa retraite ! Vous vous rendez compte ? Maintenant qu’on ne sait pas si la semaine prochaine on sera encore là, au poste qu’on occupe aujourd’hui ? De 14 à 60 ans dans la même société. Etonnant, non ?

La société s’appelait « Société Générale de Surveillance », « SGS ». Plus tard, il allait apprendre le métier. Qu’est-ce qu’il allait surveiller. Mais pour l’instant, il faisait les courses, c’est à dire qu’il allait remettre des papiers du bureau au port et du port au bureau. Et en interne, il apportait des papiers d’un bureau à un autre. Il y avait aussi beaucoup de cafés à apporter.

Voilà encore un boulot qui s’est perdu, hein ? Maintenant, on s’envoie des mails. Ou des SMS. Au pire on se téléphone sur le portable. Mais à l’époque, il y avait des garçons de course pour le courrier. En Algérie, on les appelait des « chaouchs ». Mais Jona n’était pas un chaouch, il était « garçon de course ». C’était marqué sur sa fiche de paie. Il était fier de sa fiche de paie. Il ramenait de l’argent à la maison. C’était bien.

Il avait des copains à Alger. A Bab El Oued. Non, pas à Bab El Oued, madame. Non, pas à Bab El Oued, monsieur. A Nelson. Jona n’habitait pas à Bab El Oued, il habitait le quartier Nelson. Le quartier Nelson se situait à l’entrée de Bab El Oued. Entre Bab El Oued et le Centre-Ville. C’était un quartier petit petit bourgeois. Mais pas un quartier populaire comme Bab El Oued.

Mais les copains, ils n’avaient pas de frontières. Ils se rencontraient, s’appréciaient, faisaient copains. Peu importe le quartier où tu habites, peu importe le pays d’où tu viens, peu importe la religion de tes parents. Les copains de Jona, ils s’appelaient Jean, David, ou Antonio ou n’importe. Le meilleur copain de Jona, il s’appelait Carline. C’était un Espagnol de Bab El Oued. Avec Carline et les autres, Jona faisait les 400 coups. Comme jeter du fumier de cheval en direction du moutchou d’en bas. Sous le prétexte qu’à Alger, on appelait le h’alva la caca de cheval. Faut dire aussi que Jona avait un sou et que un sou, c’était pas grand chose, et qu’il avait demandé pour un sou de caca de cheval. Le moutchou avait refusé. « Pour un sou, je me dérange pas ! ». Le salopard. Il a bien fallu qu’il se lève pour nettoyer ! Le salopard !

Un autre moutchou, celui d’en haut, il faisait le coin de la rue. Et au coin de la rue, il mettait des grands sacs de pommes de terre et d’oignons. Comme c’était bon de courir à toute allure, de tirer les sacs en passant, de continuer à courir en regardant les pommes de terre et les oignons dévaler la pente !

Ah ! Un moutchou, c’est un épicier mozabite. C’est un épicier, il dort dans son magasin, il mange dans son magasin, il vit dans son magasin. Et c’est souvent un souffre-douleurs pour les gosses turbulents. Mais les moutchous se plaignaient au père Jacob et en avant les coups de ceinture…

Avec Carline, il apprenait les insultes espagnoles. Avec d’autres, les insultes italiennes. C’est pour ça que plus tard il ne dirait jamais « putain » mais « puta » ou « puttana ». Ça faisait moins grossier.

Jona grandissait et il se trouvait maigre. Plus que ça, il se trouvait malingre, chétif. Il n’aimait pas son physique. Il n’aimait pas son corps. Mais quel est le gosse qui aime son corps à 17 ans ? Son nez avait poussé. Il était devenu grand. Trop grand. Son corps avait poussé aussi. Il avait grandi. Mais il était maigre. Ses bras étaient comme des allumettes sur un torse trop fin.

 

 

Line Monty - Alger Alger