la petite enfance

Environ deux ans après ma naissance, ils ont acheté une voiture, vendu le commerce, et nous sommes partis tous les trois en Espagne, voir la famille je pense. Chose impensable à notre époque !

Une anecdote que ma mère m’a souvent racontée : les rues du village n’étaient pas goudronnées, et je m’arrêtais toutes les cinq minutes pour essuyer mes souliers vernis qui bien sûr étaient couverts de poussière ….

Maniaque déjà !

A notre retour en France, mes parents ont racheté une boulangerie à Laroque-des-Albères.

   

Le magasin était en haut d’une rue en pente, et je m’étalais souvent, mes genoux était toujours couronnés …. Paraît-il …

C’est à cette époque que ma mère a perdu sa sœur Anna, qui laissait trois enfants. Sa fille Marcelle est venue passer quelques temps avec nous. Carmen aussi, la nièce de mon père, a perdu sa mère, et est venue elle aussi à Laroque ; elle était malade, et je me souviens que ma mère lui faisait des pulvérisations dans la gorge, avec beaucoup de difficultés !

Mon cousin Louis Gomez était ouvrier boulanger et travaillait avec mon père.

J’avais eu en cadeau une poupée de chiffon, et je m’étais empressée d’aller la baigner dans le caniveau où l’eau courait. Bien sûr, une fois mouillée, c’était … un vrai chiffon ! J’ai eu un gros chagrin !

Depuis ma naissance, j’avais sur la joue, prés de la lèvre, comme une petite fraise, une envie. C’est à cette époque que ma mère m’emmenait à Perpignan pour me la faire enlever ; on me faisait des rayons, je pense que c’était les premières utilisations du radium ; il m’est resté une tâche brune. Je faisais de vraies comédies pour rentrer chez le radiologue, dès que je voyais la porte, je hurlais … ils m’ont même fait passer par la fenêtre !

Je ne pense pas que nous soyons restés longtemps à Laroque… deux ou trois ans peut-être ?

La boulangerie de Perpignan étant à nouveau en vente, mes parents l’ont rachetée ; et nous ne l’avons plus quittée.

Il ne me reste pas trop de souvenirs de ma petite enfance.

Je me souviens quand même que le dimanche matin, le magasin était fermé et nous faisions la grasse matinée ; j’allais dans le lit de mes parents, mon père m’asseyait en haut de ses genoux repliés et me faisait glisser, ce qui me faisait rire aux éclats !

Mes parents travaillaient beaucoup, surtout ma mère, car mon père allait jouer aux cartes avec d’autres boulangers au café de la Poste, presque tous les après-midi.

La boulangerie faisait un coin de rue, en bas, magasin, grande pièce avec le four, petit fournil avec le pétrin, et comptoir pour façonner le pain. A l’étage, petite salle à manger, petite cuisine, puis un long couloir étroit qui desservait quatre chambres, la chambre noire, qui comme son nom l’indique n’avait pas de fenêtre, la chambre froide, qui avait une toute petite fenêtre haute, et qui plus tard s’est appelée la chambre du piano mes parents en ayant acheté un à Francine qui apprenait la musique ; en face la chambre chaude, qui était placée juste au dessus du four et, comme il n’y avait qu’un plancher, pas besoin de chauffage l’hiver, il y faisait très bon ! Mais l’été, c’était l’enfer… nous avions un lit en fer avec des roulettes ( il existe toujours et se trouve chez Chantal ), nous le mettions sous la fenêtre grande ouverte et nous avions encore chaud ! Nous faisions toute une comédie pour dormir !

La dernière chambre était celle des parents. Il n’y avait pas de salle d’eau, simplement des toilettes ; nous nous lavions à l’évier dans la cuisine ; le samedi soir, c’était le bain… si l’on peut dire, nous avions une baignoire en zinc, que nous mettions devant le four, pour la chaleur, et, à tour de rôle, toute la famille prenait son bain ! Ce devait être long, de remplir et vider la baignoire ! Rien à voir avec les douches journalières d’aujourd’hui !

J’ai fait toute ma scolarité primaire à l’école Lamartine, pas très loin de la maison ; je n’en garde pas trop de souvenirs !

L’été, ma tante Nono et mon oncle Jean qui était pompier à Paris, venaient passer les vacances chez nous ; ils me gâtaient beaucoup, ménages en porcelaine, il m’avait même fabriqué un buffet avec la table et les chaises, j’avais été ravie !

 

 

 

 

 

Ma tante venait souvent en vacances. Mais elle a dû venir une fois de plus remplacer ma mère au pied levé ! Comme je l’ai déjà dit, cette dernière travaillait beaucoup, et souvent très tard ; un dimanche soir avant d’aller dormir, elle est descendue porter les tabliers et les torchons propres pour les ouvriers au fournil. Elle a glissé sur les dernières marches de l’escalier, et s’est cassé la jambe en deux endroits ! Panique je suppose, car il fallait servir au magasin le lendemain matin ; c’est ma tante Nono qui est venue de Paris pour la remplacer très vite. ! Dès que ma mère a pu reprendre, on la descendait le matin, elle servait assise sur une chaise haute ! Un de ses oncles, qui était costaud, venait matin et soir, la descendre et la monter sur ses épaules… ce devait être pénible !

Pendant la période 39-40 de la guerre, la maison était au complet ; ma tante Henriette, femme du frère de ma mère, Antoine, était venue se réfugier chez nous avec son fils, mon cousin Guy, il y avait aussi ma tante Nono avec Michel, dans le même cas, l’occupation allemande !

Ma grand-mère était aussi chez nous et en plus pour le repas de midi nous avions aussi ma cousine Yvette et mon cousin Claude, enfants du cousin germain de mon père qui mangeaient chez nous car leurs parents faisaient construire une boulangerie au Vernet, et cela faisait trop loin pour rentrer pour le repas ! Ce n’était pas de tout repos ! Surtout pour ma mère, mais je pense que tout le monde donnait un coup de main, la table était grande devant le four !

En 1940, il y a eu une très grande inondation ; je me rappelle très bien l’eau qui est arrivée dans la rue en prenant toute la largeur à une vitesse effrayante ! Le four était plein d’eau, elle recouvrait la moitié de l’escalier. Le lendemain matin, c’était une vraie désolation dans les rues, les fûts de mazout flottaient, des matelas étaient encastrés dans le tronc de l’acacia devant la vitrine …

Il a fallu des jours et des jours pour tout remettre en état !

Au deuxième étage de la boulangerie habitaient monsieur et madame Macaruella ; ils avaient une fille Odette et un fils Georges avec qui je jouais souvent ; il y avait aussi monsieur et madame Favier qui avaient un petit chien noir frisé.

La vie dans le quartier était très vivante, nous étions entourés d’expéditeurs qui envoyaient abricots, pêches, tomates, etc.... vers le nord ou les pays voisins, il y avait beaucoup de bruit, camions, ouvrières dès cinq heures du matin…. et nous ne nous plaignions pas du bruit !

Pour revenir sur la vie du quartier, c’était toute autre chose que maintenant ; et surtout, le plus important, il n’y avait pas de télé, très peu de voitures, et les soirs d’été, les gens sortaient une chaise devant leur porte et tout le monde se réunissait et discutait un peu de tout ; les enfants couraient dans les rues, jouaient au ballon sans avoir peur de se faire écraser à tout moment. Souvent un marchand de glaces passait avec son triporteur, et, nous étions vraiment heureux quand les parents nous payaient une glace ! Maintenant, c’est tellement courant, il y en a dans le congélateur, ça n’a plus le même attrait !

Au moment de Noël, il n’y avait pas toute cette débauche de cadeaux, illuminations, etc.…, c’était simple, le soir nous allions à la messe de minuit, en rentrant nous prenions un bol de chocolat chaud avec du tourteau à l’anis et du touron. Les cadeaux du matin n’étaient pas très originaux : six mouchoirs avec un petit billet… et encore !

La veille de Noël, ma mère avait beaucoup de travail à faire cuire toutes les dindes que les clients lui portaient à rôtir au four. Elle devait les surveiller, les arroser, les retourner cela prenait beaucoup de temps, et ce n’était pas très bien payé !

La vie de la maison et … surtout ma vie ont beaucoup changé à la naissance de ma sœur Francine le 25 août 1941 !