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L'Algérie de Jacky
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Jo
1914, une bonne année ?
Yvette arrive
La SGS
La boxe
La SGS encore
Nice, le service militaire
Le temps des fiançailles
La guerre
Le trou
Faites bouchon !
Scandinaff ?
Les juifs, sortez des rangs !
Un train de la Shoah
A la table des paysans
Bois ce whisky
Le temps du retour
Les enfants arrivent
Yona, pas Jona
Le départ
 
Vy
Le temps explose
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L'enfance
Les fiançailles
Le mariage - la guerre
Les années bonheur
Le départ d'Algérie, l’exil
Les années retraite
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L'enfance

Au deuxième éclair, arrivèrent des souvenirs réels de quand elle avait, quoi ? cinq, six ans… Ils étaient à table pour le repas du Chabbat. C'était un vendredi soir et la tablée était grande. Pensez ! 2 adultes et sept enfants, neuf personnes en tout. Yvette et Lucia, les petites dernières, étaient en bout de table. A l'autre bout, trônait le père, Chalom, et Eugénie à sa gauche. Eugénie avait cette place parce que c'était la plus proche du couloir de la cuisine. Elle devait se lever souvent pour aller chercher les plats et faisait signe à l'une des grandes de se lever pour l'assister. A la droite du père, Roger était chargé de maintenir la discipline chez les filles. C'était lui qui faisait remarquer à l'une qu'elle ne s'était pas coiffée correctement et l'envoyait se donner un coup de peigne. Ou à l'autre de ne pas mettre les coudes sur la table. Quand tout était en ordre, la coupe et la bouteille de vin devant lui, les deux pains en brioche de Chabbat près de la salière, les six filles assises et sages, Chalom faisait la prière. Oh, c'était une prière rapide, il n'était pas très rigoureux sur la religion. Juste la prière sur le vin, la prière sur le pain. La coupe de vin circulait autour de la table en suivant l'ordre d'ainesse. Le père, la mère, le fils et les filles, de la plus âgée à la plus jeune. Et c'est là, quand Lucia buvait sa gorgée, qu'Yvette devait la chatouiller au creux de la taille. Une fois, ça avait marché. Lucia avait toussé. Elle s'était étouffée et avait failli renverser le verre. Personne n'avait soupçonné Yvette. Et quand Yvette mangeait le morceau de pain trempé dans le sel, alors Lucia la pinçait fortement sur la cuisse. Yvette étouffait un cri de douleur. Voilà. C'était le jeu. C'était bon, quand ils étaient tous les neufs à table


Chalom n'était pas trop religieux.

D'ailleurs, il était franc maçon…

 


Le cinéma Majestic

Chalom avait loué un appartement de 4 pièces dans le quartier Nelson, sur les bords du square du même nom, en face du cinéma "Majestic". C'était un beau quartier, le quartier Nelson. A l'orée de Bab el Oued, mais plus distingué. C'était un quartier très mélangé, chrétiens français, italiens et espagnols, mais aussi juifs. A l'époque, les juifs s'étaient beaucoup francisés. Mais pas d'arabes. Les arabes vivaient juste au-dessus, dans leur casbah.


Une sortie de la famille AMAR, Sans doute à Rovigo ou à Boufarik - vers 1912-1913...
- Debout de gauche à droite : Margot LIPPMAN née AMAR, Berthe BACRI née AMAR, Chalom HAZAN, Simon BACRI.
- 2ème rang : Fortunée SEROR, Mardochée AMAR, Eugénie HAZAN née AMAR, Fortune ALBOU, Roger HAZAN.
- Sur les genoux de Mardochée : Léopold LIPPMAN, Hilda HAZAN.
- Assises 1er rang : Denise BACRI, Suzanne HAZAN, Estelle HAZAN.

Et puis les enfants ont grandi et se sont mariés. Un après l'autre, dans l'ordre des âges.

Roger ne fit pas un beau mariage. Chalom l'avait sermonné. Cette fille n'est pas pour toi. Il l'avait menacé. Tu arrêtes tes études, je me fâche. Je ne te parle plus. Rien n'y fit. Roger se maria avec Germaine. Ils s'installèrent à Blida. Il fut préparateur en pharmacie. Quel dommage ! Il faisait de bonnes études et était en bonne voie de devenir pharmacien.

Et Yvette grandissait.

Estelle, elle, fit un beau mariage. Charles, un chapelier, l'épousa en grande pompe. Bien sûr, il y eut le choix pour choisir les filles d'honneur. Il y en avait cinq de disponibles. Il y en eut cinq.

Vraiment, un beau mariage, un beau parti. En voilà une de casée. C'était que à cette époque, il fallait une dot quand on mariait sa fille. Alors six filles, six dots… Bon. Maintenant, il n'en restait plus que cinq.


Charles et Estelle fiancés.

Quel beau couple !

Et Yvette grandissait.


Mariage de Marcel et Suzanne

Pour Suzanne, ce fut une autre affaire. Le petit frère de Chalom, Marcel, de vingt ans son cadet, et Suzanne s'étaient entichés l'un de l'autre. Marcel revenait de la guerre. La grande guerre. La der des ders. Il s'était porté volontaire en trichant sur son âge. A dix-sept ans, il était devenu le plus jeune soldat de cette foutue guerre. Il en avait ramené une flopée de médailles et une flopée de blessures. Mais un oncle et sa nièce. C'était un mariage consanguin. Il fallut demander des autorisations. De la mairie. Du rabbinat. Et le mariage se fit. Sa fille était magnifique en robe de mariée. Et ma foi, Marcel n'était pas vilain…

Et Yvette grandissait.

Et les grands-pères d'Yvette vieillissaient…


Mardochée Amar

Joseph Hazan

Et Yvette grandissait.

Alors, ce fut le tour d'Hilda. Elle était tombée amoureuse d'un Henry. Mais un Henry qui n'était pas sérieux. Un Henry qui n'avait pas de métier. Oh lala ! Ça avait crié dans la maison. C'est qu'elle avait son caractère cette Hilda ! Mais finalement, c'est Henry qui mit fin lui-même à cette idylle. Un jour, il déclara à Hilda qu'il l'avait trompée, qu'il avait fait un gosse à une goya, une chrétienne, et qu'il allait l'épouser. C'était un homme volage, certes, mais un homme d'honneur.

Hilda pleura, pleura et rencontra Maurice, un gentil garçon. Mais le mariage ne dura pas longtemps. Un jour d'été bien chaud, Maurice fit une longue sieste à la plage et alla se rafraichir dans la mer. Il mourut sur le coup d'hydrocution. Quand Henry sut qu'Hilda était veuve, lui qui était si malheureux avec sa goya de femme qui ne s'occupait même pas de Gabriel leur fils, Henry refit la cour à Hilda. Oh, celle-ci ne fut pas difficile à convaincre. Elle n'avait jamais oublié son Henry. Ils finirent par se marier et Hilda éleva le petit Gaby. Gaby appela toute sa vie Hilda "maman".

Et Yvette grandissait.

Resta alors Hermance. Amour sincère, garçon travailleur, le mariage avec Robert, un jeune orphelin, ne fit aucune histoire. Il faut dire qu'on avait rarement vu un homme aussi travailleur que ce Robert. Pas "le petit Robert", parce que Robert, c'était une force de la nature. Coup de taureau, muscles de catcheur, il travaillait sans relâche. C'était un mariage comme les aimait Chalom.

Et Yvette grandissait.

Vint le tour de Lucia. Et là, nouvelle histoire. Léon était coiffeur. Un très bon coiffeur. Mais il n'était pas que coiffeur. Il avait aussi une réputation de joueur et de buveur. On le voyait plus souvent dans un bar que dans un salon de coiffure… Cris, pleurs, Lucia l'emporta. Lucia et Léon se marièrent. Chalom était tellement faible avec ses filles…

Et Yvette grandissait.

Et Yvette grandissait et elle se retrouva alors seule avec ses parents. Ce fut de belles années, ces quelques années-là. En 1937, elle fit un merveilleux voyage à Paris avec ses parents. Paris 1937, l'exposition universelle. Elle en ramena des souvenirs émus qu'elle garda précieusement toute sa vie. Elle avait dix-huit ans. C'était une belle jeune fille et elle faisait un merveilleux voyage avec ses parents. Oh ! La belle année que voilà.


Yvette jeune fille

 

 

Line Monty - Alger Alger