L'Algérie
de Jacky
L'Algérie de Jacky
L'Algérie de Jacky
La Peugeot 202
La suspension
Fumée noire, fumée blanche
Les frites
Les délices de Dellys
Les soifs de l'enfance
Babé, Babette, Elisabeth
La 202 à Antibes
La 202 à Zéralda
Le delco... et Poumette
Le chaos s'installe
La guerre à domicile
En guise d'épilogue
 
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La Peugeot 202

 

Comme a dit Robert Castel (Fils de Lili Labassi, paix à leur âme) :

" C'est pas parce qu'une rumeur ne tient pas debout, que ça va l'empêcher de courir, purée !!!"

Une telle rumeur existait dans la famille depuis des lustres, elle naquit lors d'un repas de samedi, chez Mémé au quatrième de la rue Eugène Robe, lorsque Papa voulut écourter son dessert en prétextant avoir à faire. Avec un rictus un peu narquois dont elle avait le secret, celle-ci affirma mi-figue mi-raisin qu'il était connu que Jojo "travaillait en fantaisie" le samedi après-midi…

Tous les convives présents plongèrent le nez dans leur assiette avec un vague sourire mais cette renommée un peu ambigüe lui colla à la peau bien des années.

Seul Jacky (c'était moi) était dans le secret, parce qu’il l'accompagnait souvent, si les devoirs étaient finis.

Papa, le samedi après-midi, accordait toutes les faveurs qu'elle méritait, à sa chère Caroline, dont il était devenu inséparable au fil des ans.

Voilà toute l'affaire :

On commençait par passer chez Baéza, Fabien de son prénom, dont le garage avait pignon dans la rue Montaigne, histoire de voir si tout allait bien sous le capot, procéder à quelque réglage s'il le fallait, changer une ou deux ampoules immanquablement grillées, surtout celles à l'arrière.
J'entends encore Papa: "Fabien tu regardes la pression des roues et tu me fais le plein pour demain s'il te plait".

Les deux hommes s'étaient connus en captivité et étaient restés très liés.

Moi je restais à chaque fois fasciné par la pompe à essence, dont les récipients jumeaux se remplissaient et se vidaient tour à tour, par le miracle d'une manette actionnée par notre Fabien de main de maître.

Et l'odeur...! Un pur régal ...!

Mais tout ça n'était qu'un prélude au plus important.

"Tu comprends pourquoi on ne peut pas prendre p'tit Charles avec nous.. Tu va voir qu'il est impossible de le surveiller et que si jamais il tombe du quai, ta mère elle se suicide..." répétait-il à chaque fois.


Pompe à essence années 1950

On descendait la rampe Chasseriau jusqu'aux quais, bien après l'amirauté, bien avant la gare de l'Agha, à l'endroit de ce que l'on appelait "les voûtes".

"Une fois à Sidi Ferruch il s'est échappé pour essayer de récupérer des boulons de roue de secours sur une 4 cv garée tout près... 3 heures on l'a cherché dans toute la forêt...! ta mère allait devenir folle...!"

C'est sûr qu'il avait mauvaise conscience, mais bon !

Il s'agissait en effet d'une suite de bâtiments érigés en rez-de-chaussée à même les quais, devant les grues portuaires, et dont les ouvertures très larges étaient en forme de voûtes effectivement. Ces bâtiments célèbres dans tout le port servaient en fait d'entrepôts privés aux sociétés maritimes.

La SGS avait les siens, pour entreposer ses échantillons, faits ou à faire, dont l'un restait ouvert le samedi après-midi sous la surveillance d'un gardien indigène attitré, métier oblige...


Peugeot 202 1949

La voiture restait garée sur le quai, en plein sur les rails des grues
("tu vois pas qu'y en a une qui se mette en marche, dis !!!"),
et après les salutations d'usage et un sourire malicieux au rouget (c'était moi), le gardien déroulait un énorme tuyau de caoutchouc branché à un quelconque robinet à l'intérieur...

C'était moi l'arroseur et je me rappelle qu'il fallait fortement pincer l'extrémité du tuyau pour obtenir un jet acceptable. Le caoutchouc était rigide et au bout d'un moment l'exercice s'avérait difficile.

Papa, lui, plongeait ses mains dans un bidon de mousse où nageaient deux énormes éponges véritables dont il se servait tour à tour pour laver une carrosserie devenant de plus en plus belle au fil de l'opération.

Opération de séchage faite à deux grâce aux chiffons miracle sortis de la malle, et puis on rentrait tout fiers, non sans avoir glissé la pièce au gardien, les pieds un peu mouillés d'avoir pataugé dans les flaques, mais pleinement satisfaits que la voiture soit impeccable pour dimanche.

En franchissant le seuil de la maison, on pouvait ressentir une certaine tension dans l'atmosphère, Maman ne disant mot et TiCharles affichant un dédain sournois tandis qu'il faisait rouler sa Dinky Toy, joue collée à la table.

 

 

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