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Les années bonheur Ils s’installèrent dans une petite chambre de bonne. Jonas reprit le travail à la SGS. Il monta en grade. Yvette continuait à y travailler. Ils ne se quittaient presque pas de la journée. Que c’était bon ! Puis Yvette tomba enceinte en début 46. Ils déménagèrent et s’installèrent dans l’appartement des Laskar, rue Eugène Robe. Yvette habitait au-dessus de ses parents. Ils logeaient à plusieurs. La salle à manger était commune. Puis il y avait une chambre pour Jonas et Yvette, une chambre pour Edgard et Juliette, sa nouvelle femme, et une chambre pour le jeune Edouard qui se lançait comme tailleur et y dormait la nuit, y faisant son atelier le jour. Comme c’était bon d’habiter à plusieurs et d’être tout à côté de ses parents. Elle avait toujours aimé la compagnie, Yvette. Et la famille, les Laskar comme les Hazan, c’était sacré pour elle. Pour couronner le tout, Mireille vint s’installer dans la même maison, sur le même palier avec André son mari et ses deux enfants, Alain et Joëlle. Là, c’était peut-être un peu trop, non ? Elle va regretter quelquefois cette nouvelle promiscuité… Mais bon. Les années d’après-guerre furent vraiment des années bonheur. Qui durèrent longtemps. Dix-sept ans ! Fin octobre, elle accouche d’un beau garçon qu’ils appelèrent Jacques, en souvenir de Jacob, le père de Jonas. Jacques grandit vite. Jacques grandit bien. Il fut suivi trois ans plus tard,
en 1950, d’un nouveau garçon, appelé Charles, en souvenir
de Chalom, le père d’Yvette. Vraiment de belles années ! Assombris bien sûr par le décès de son père Chalom en 1952. Mais bon. Perdre un parent est dans l’ordre des choses…
Sept ans après Charles, en 1957, arriva une fille. Marie-Paule. Elle arriva la semaine où Edouard se mariait, où l’appartement était enfin entièrement à eux. Edgard et Juliette étaient partis avec leurs deux enfants. Dans leur chambre, dormaient les deux garçons, Jacques et Charles. Dans la nouvelle chambre libérée par Edouard, ils préparèrent la chambre de Marie-Paule. Le bonheur continuait. Il devait durer encore quelques années. Jusqu’aux années 60, années de la guerre d’Algérie. « Les évènements », comme le gouvernement appelait cette guerre qui n’osait pas dire son nom. Ce fut des années de peur. Peur lors des attentats. Peur la nuit où Danielle, la fille de Lucia, était partie danser dans une boite de nuit sur la Corniche, et où une bombe avait explosé. D’où ils étaient partis quelques heures auparavant. Mais quelles heures d’angoisse ! Peur lors de l’attentat au Milk-Bar où ils allaient prendre un verre avec les enfants mais où ils arrivèrent plus tard que prévu, n’ayant pas trouvé de place où garer la voiture. Ce qui laissa le temps à la bombe d’exploser avant leur arrivée. Peur lors des attentats groupés, les fameuses nuits bleu-blanc-rouge. Peur lors de la bataille d’Alger, où les soldats campaient sur le toit et où était installée une mitrailleuse qui faisait trembler les murs. Peur quand Jonas se mit à la fenêtre derrière les volets et manqua recevoir une balle. Et aussi douleurs. Douleurs quand elle apprit la mort de Jean-Jacques, le mari de Danielle, à Nice où ils étaient en train de s’installer. Douleur quand Lucia partit vivre en France, emmenant Eugénie, leur mère. Mais Jonas et elle s’accrochaient à cette terre d’Algérie. Leur terre. La terre de leurs ancêtres et de leurs jeunesses… La terre d’où ils allaient être déracinés.
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Dalida - Come prima | |||