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Le trou

Fin avril-début mai 1940

Jusqu’à ces derniers jours, c’était la « drôle de guerre ». On était en guerre contre l’Allemagne, on campait sur nos positions, les Allemands campaient sur leurs positions. Rien ne se passait. Tranquilles. On était tranquilles. Et puis voilà que depuis quelques jours, on entendait des bombardements de plus en plus intensifs. Des tirs d’artillerie.

L’adjudant avait dit : « Vous allez me fabriquer des trous ». Je veux que chaque homme creuse son trou de façon à être bien protégé des tirs d’artillerie. Faites-moi un beau trou. Faites-moi un joli trou. Le plus beau trou sera récompensé. Celui qui l’aura fait, et ben… celui qui l’aura fait, et ben… il aura une permission d’une semaine… quand tout cela sera fini.

C’était un adjudant corse. Avec un gros accent corse (Paoli, peut-être ?). Un peu paternaliste avec ses hommes mais un peu… un peu… Ben, vous voyez, comme beaucoup d’adjudants, n’est-ce pas ? Et alors, les hommes s’étaient exécutés. Ils avaient commencé à creuser leur trou. Et Laskar, lui, il avait commencé par dessiner sur la terre un grand rectangle. Ouh ! Un rectangle de 2 mètres sur presque un mètre. Et il avait creusé. Bien droit. C’était que lui, il avait le fusil mitrailleur. Tireur d’élite, il était. Résultat, il se coltinait un fusil mitrailleur quand les copains ils portaient un simple fusil. Mais ça ne faisait rien. Il était fier d’être fusil mitrailleur.

Alors, il lui fallait un grand trou d’où il pourrait tirer sur les Allemands. Les Boches. Quand ils arriveront. Et son trou, il commençait à être joliment beau. Ils étaient pratiquement en pleine campagne, mais près d’eux, il y avait une église. Abandonnée, bien sûr. L’église du village d’à côté. Avec des portes ! Des portes ! En bois massif, une splendeur ! Non pas splendides architecturalement, mais splendides de bois massif pour se protéger.

Laskar alla à l’église. Tout seul, il déboîta une des deux portes et il la transporta, non sans mal, sur son trou. Là, il l’installa au-dessus du trou, mais de façon à laisser un interstice pour entrer et sortir et il laissa un espace là-bas, de l’autre côté, en face des Allemands pour y installer le fusil mitrailleur. Et non content de ça, il déversa des kilos de terre sur la porte pour protéger encore plus son trou. Il regarda. Il était content.

L’adjudant corse (Luciani, peut-être ?) passait entre les trous. Il s’arrêta au trou de Laskar. Sidéré. Oh ! Ça c’est un trou ! Quel beau trou ! Mais comme c’est astucieux ! Bon, la porte de l’église, c’est peut-être pas très correct. Mais que voulez-vous ? A la guerre comme à la guerre. On la remettra en place quand tout cela sera fini. Mais vraiment un beau trou.

L’adjudant corse (Bartoli, peut-être ?) appela tous les hommes. « Venez voir un trou ». « Voilà un vrai trou ! Venez admirer ! ». Et même le lieutenant et même le capitaine vinrent admirer le trou de Laskar. « Assurément, un beau trou ! » Il l’avait gagné, sa permission, Laskar ! Maintenant, restait plus qu’à gagner la guerre…

Le soir tombe. L’adjudant corse, (Santoni, peut-être ?) donne la consigne. Les tours de garde d’abord. Puis : « Quand vous n’êtes pas de garde, vous dormez dans votre trou. Chaque homme dans son trou ! »

Le soir tombe. Les tirs d’artillerie s’intensifient. Mais alors vraiment beaucoup, ce soir. Et avec la nuit, ça devient un vrai cataclysme… A tel point que Laskar, tout beau trou qu’il avait, ne s’y sent pas si bien que ça. Il est quand même à l’air libre… Sous la porte, sous la terre, mais qu’est-ce que quelques kilos de terre contre une bombe d’artillerie ? Bon. Il sort de son trou et va se réfugier avec sa couverture dans l’église. Là, il sent autour de lui des murs, des vrais murs. Il se sent mieux. Malgré les explosions de bombes, là-dehors, il finit par s’endormir…

Le matin, L’adjudant corse (Agostini, peut-être ?) fait le tour du camp. Et oh ! A la place du trou de Laskar, le beau trou, le plus joli trou du camp, il y a… un cratère ! Une bombe est venue se planter là-dedans verticalement ! Ça, ça ne laisse aucune chance. Quand la bombe tombe DANS le trou, vous pouvez rien faire ! Aussi profond que soit le trou, elle rentre DEDANS !

Et L’adjudant corse (Filippi, peut-être ?) se lamente. « Oh Laskar ! Oh Laskar !»

Et Laskar sort de l’église. Il voit son trou. Il voit le cratère. Il voit l’adjudant corse qui se lamente. Il ose, d’une voix timide… : « Mon adjudant… Je suis là… »

« Comment ? Mais qu’est que tu faisais dans l’église ? J’avais dit chaque homme dans son trou ! Tu n’avais pas à sortir de ton trou ! Tiens, pour ta punition, quand tout cela sera fini, tu feras huit jours de… TROU ! »

Pas longtemps après, les allemands attaquent. Guerre surprise. Guerre éclair ! « Blitzkrieg », on l’appellera plus tard dans la langue des vainqueurs. Il faut reculer en vitesse. Les allemands ont contourné la ligne Maginot. (Si vous ne connaissez pas l’histoire de la ligne Maginot, renseignez-vous, c’est la meilleure blague de l’année 1940). Il faut reculer en vitesse. Mais pour pouvoir mieux reculer, il va falloir sacrifier quelques hommes qui resteront et tenteront non pas d’empêcher les Allemands d’avancer mais de les retarder. Un peu. Qui mettre ? les Zouaves, bien sûr. Pour retarder les allemands, on met les Zouaves. Ils vont faire « bouchon » !

 

 

Vive le pinard