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Lockdown

 

Molière dédicaçait ses pièces de théâtre et ses écrits au Roi, ou à son grand intendant Fouquet. Moi, j’écris en hommage au grand écrivain Anglais du XVIème siècle, Samuel Pepys qui fit la chronique (à l’époque il n’y avait qu’une seule feuille de choux, le Weekly News, qui n’était pas à la portée de tous) du grand feu de Londres de 1666.

« Mais pour qui qu’elle se prend celle-la ? », aurait-on dit de moi à Bab El Oued, eh bien, inspirée par l’insanité du Lockdown (vous l’aurez compris chez vous c’était le confinement) voici une chronique d’un journée excitante pendant le Lockdown.

Ça a commencé la veille au soir. On s’est couché plus tôt que d’habitude sachant qu’on devait être en forme à partir de 7 heures du matin. Les fois où on s’est levés tôt, 4h30, c’était pour prendre l’avion pour aller en France. L’aéroport étant à deux heures de chez nous et il fallait y être deux heures avant le départ à cause des contrôles de police, le terrorisme étant notre pain sinon quotidien, mais sûrement mensuel. Donc ce matin, lever à 6h30 pour être prêts à accueillir la livraison hebdomadaire des produits alimentaires.

Nous les anciens, seniors si vous voulez, mais on n’est pas en Espagne, ou en Catalogne, nous ne devons pas quitter notre domicile pour sauvegarder la liberté des jeunes à travailler, ou même à glander, comme on peut le constater de notre fenêtre du rez-de-chaussée. Cette situation m’a beaucoup rapprochée des singes et autres animaux du zoo, car les gens qui passent s’arrêtent souvent pour jeter un coup d’oeil à l’intérieur. Et les rideaux, direz-vous, c’est pour les chiens ? Rappelons-nous qu’on est en Angleterre ou en Janvier il fait sombre toute la journée, alors les rideaux nous mettraient encore plus en cage.

Toutes les semaines, nous nous trouvons en compétition pour obtenir d’un des trois supermarchés du quartier un créneau de livraison. Les heureux élus sont livrés dans la matinée ou l’après-midi, les autres, dont nous sommes avons le choix, ou très tôt le matin ou entre 10 et 11 heures le soir. Créneaux difficiles car à la livraison il faut retirer les achats un à un des caisses où on nous les livre, et tout ça sur le pas de la porte, malgré le froid, nous tenant à 2 mètres du livreur qui, après les avoir déposés, se réfugie sur le trottoir. On se salue d’un geste très Royal, et on dit merci à haute voix, à cause du masque qui déforme plus ou moins ce qu’on dit. J’ajoute que les prudents optimistes font leurs réservations jusqu’à trois semaines à l’avance, je dis optimistes car en ces temps incertains comment savoir si on sera toujours à même de recevoir le livreur...?

Après ce grand moment de bonheur à avoir pu échanger face à face, couverte bien sûr, avec un autre humain il nous reste le plaisir de constater ce qui manque à la commande, ou ce qui nous a été livré à la place du produit demandé. En cas d’erreur nous avons le plaisir de nous entretenir, après 20 minutes d’attente en musique, avec un responsable de la chaîne, car espérer un contact avec le magasin du quartier, serait, vous le comprenez extrêmement stupide. Les centrales d’achat et de vente sont là pour ça.

Quoi d’autre pour s’amuser ? Surveiller les voisins. Qui a osé prendre sa voiture ? On ne le saura jamais puisqu’on ne les voit pas. Ceux qui osent, dans le quartier, prendre le volant se comportent comme des voleurs, sortant de chez eux en catimini ayant déverrouillé la voiture du pas de la porte. Et oui, pas de vielles caisses dans cette rue, Nelly, tu dois te rappeler d’en avoir fait la remarque. Donc on déverrouille et on se glisse dans la voiture aussi silencieusement que possible et on part sans faire de bruit. Où vont-ils ? Un autre moment agréable de spéculation, ce qui permet 2 minutes d’échange avec son compagnon.

Mon amie d’enfance Josette, se plaignait hier au téléphone du couvre-feu à 18 heures à Marseille, mais la veille elle avait eu 6 amis intimes pour le déjeuner. Nous, les amis intimes, de plus en plus chevelus, on peut les voir sur un écran, une fois par semaine. Nous sommes de plus en plus dans un film de science-fiction. Les seuls bons moments de la journée c’est les repas et l’évasion par la télé.

Londres, le 12 janvier 2021

 

 

 

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