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Le Puits

 

C’était une très belle maison provençale, dans un beau village où nous avions découvert un des meilleurs « bistros de pays » de la région.

En sortant du restaurant, de l’autre côté de la rue, derrière un grand portail ancien, je remarque dans le jardin situé devant la maison un puits magnifique, un puits digne d’attirer l’attention d’un peintre, avec corde et un vieux seau posé sur la margelle du puits.

Curieuse, je m’avance, et à travers les barreaux du portail, j’observe la maison, petit mas provençal, assez original avec un rez-de-chaussée et deux étages, et toutes les persiennes fermées. Et de penser : « heureux les propriétaires d’une aussi belle demeure ».

Un mois plus tard, retour au bistrot de pays où la propriétaire, américaine, installée en Provence depuis 20 ans, propose un menu exceptionnel. On gare la voiture, on traine un peu, jouissants de la douceur de cette soirée, chose si rare en Automne en Angleterre. Accroché au portail de la maison qui avait retenu notre attention, un panneau : « en vente chez......» Et de sortir un stylo et de noter le numéro de téléphone de l’agence immobilière chargée de la vente de cette maison. De retour chez nous je téléphone pour prendre rendez-vous. Chose faite pour le lendemain à dix heures du matin.

Impatients de visiter la maison nous étions en avance, mais l’agent immobilier était déjà là. Il nous prévient qu’il y aurait beaucoup de travaux, la maison étant vide depuis longtemps. Un contentieux entre les héritiers, et Il nous explique qu’il est nouveau dans l’agence, que lui-même n’a pas visité la maison et qu’il n’avait récupéré les clés que la veille au soir. Le jardin à l’abandon était magnifique.

Beaucoup d’herbes autour et sur le puits qui me fait lui demander si le puits est en état, il m’assure qu’il n’a pas d’indication sur le contraire, mais qu’en sortant on pourrait lancer le seau et vérifier.

Et nous voilà dans la maison. Il ouvre les volets, grand hall d’entrée, à droite la cuisine, dans son jus, inchangée depuis 50 ans, au moins. Il me dit « vous voyez qu’il faut tout casser, c’est pas une ruine mais presque». Ça, c’est qu’il ne me connaît pas, j’ai une âme de décoratrice d’intérieur. Je m’y voyais déjà.

Et de monter à l’étage, et d’ouvrir tous les volets. Incroyablement, je me prends d’une passion pour cette pauvre vieille maison, ce qui ne m’empêche pas de lui faire remarquer qu’il y a vraiment une drôle d’odeur, mais il me dit « c’est resté fermé depuis longtemps, les gens, ici, préfère le neuf, vous comprenez, les travaux, on sait quand ça commence, on sait pas quand ça finit. »

Et nous montons au premier, je suis de plus en plus inquiète de cette odeur. Je lui en fais la remarque. Il me dit que le toit est en mauvais état, qu’il manque sans doute des tuiles et qu’il y a peut-être des oiseaux morts, ou des rats !

Et nous montons au deuxième. Oiseaux ? Rats ? Cette odeur nauséabonde ne semble pas déranger l’agent plus que ça mais moi j’ai des hauts le cœur. Mon mari, direz-vous ? Dès l’entrée il a abandonné la partie et s’est réfugié dans le jardin, après m’avoir dit : « ça va pas, non ! cette maison c’est un puits sans fond ».

Volets ouverts, une grande chambre avec une sorte de placard qui semble avoir été muré récemment, je dis récemment parce que les briques sont relativement neuves et le ciment entre les briques semble un travail d’amateur.

Je dis à l’agent : « mais qu’est-ce que c’est que ça ? » On dirait, en se bouchant le nez qu’on a emmuré quelqu’un ou quelque chose. Il était aussi choqué que moi.

On est vite redescendus. Je lui ai dit d’appeler le service d’hygiène et la police. Et j’ai abandonné l’idée d’un puits sur mon terrain. Je n’ai jamais su le reste de l’affaire.

S’il y a eu crime, et si la maison s’était trouvée dans un endroit isolé, je pense qu’ils se seraient servi du puits pour faire disparaître le cadavre…

Londres, le 18 novembre 2020

Gilbert Becaud - Le jour où la pluie viendra